The Tiger's Mouth Blog: Notes sur l’anatomie et la physiologie : Le grand tendon
Article # 25
Article original en anglais publié le 20 novembre 2010
Traduction française, révisée et approuvée le 2 septembre 2011
Dans un article précédent, il a été dit qu’on nous demandait souvent en classe d’ouvrir la Bouche du tigre, de relever les doigts, de laisser tomber les coudes, de tourner le poignet ou d’allonger les mains. Et pourquoi donc? Quel est le rôle des membres supérieurs dans l’apprentissage du tai chi? Comment contribuent-ils à l’équilibre et à la force de l’ensemble de notre structure corporelle?
Pour répondre à ces questions, il faut se référer à nos discussions sur le fascia lombosacré et la tenségrité. Nous avons vu que l’étirement du réseau de tissus mous du corps contribue à la solidité et à la force de sa structure. Pour avoir une idée de que cela signifie, imaginez une corde à linge bien tendue, un ballon gonflé à son volume maximal, ou les tendeurs et les poteaux d’une tente, ajustés de façon à créer une tension adéquate dans la toile. Dans chacun de ces cas, la séparation des éléments individuels assure la cohérence de l’ensemble de la structure, tout en emmagasinant de l’énergie élastique ou de recul.
Nous avons vu comment la Bouche du tigre ouvre les tissus mous, les articulations et les arches de la main. Cet étirement des parties élastiques confère à la main une force accrue au niveau de sa structure. De plus, il fournit au cerveau l’apport sensoriel requis pour l’aider à localiser non seulement la main, mais aussi les zones avec lesquelles elle est finalement liée – la poitrine, la colonne, le bassin et les pieds.
La même chose se produit si les mains s’éloignent du torse. En étirant les liens qui relient divers éléments des membres supérieurs ou qui joignent un membre supérieur à une autre partie du corps, on crée une structure. On étire alors une extrémité de l’élastique par rapport à l’autre.
Comme nous allons le voir, ce processus nécessite la contraction de certains muscles et tendons afin que d’autres puissent s’allonger. Voyez-vous, la complexité des mouvements du corps humain est telle que les éléments qui se contractent et ceux qui s’allongent changent constamment. L’important, c’est le maintien des lignes de tension.
Pour visualiser les tissus qui s’étirent ou se contractent quand nous utilisons nos membres supérieurs, il est utile de connaître un peu les groupes de muscles de l’avant-bras et du bras. Il faut, en tous cas, en savoir assez pour comprendre comment un grand nombre de muscles différents, leurs tendons, leurs feuillets de tissus conjonctifs (les fascias), leurs nerfs, leurs vaisseaux sanguins et leurs vaisseaux lymphatiques travaillent ensemble de façon à créer une ligne de tension, ou ce que maître Moy appelait parfois leur grand tendon. Le but de cet article n’est pas d’examiner l’anatomie détaillée de chacun des muscles, mais de mieux comprendre comment des groupes de muscles collaborent de manière à former un ensemble intégré.
Pour expliquer la notion du grand tendon, les professionnels de la médecine occidentale parlent parfois de méridiens myofasciaux (de myo, muscle, et fascia, tissu conjonctif). La combinaison de ces deux termes décrit les lignes de force qui relient les muscles aux tendons, aux fascias et aux os, en transmettant la tension et le mouvement à travers l’ensemble du réseau fibreux qui moule le corps humain. Récemment, Thomas Myers a forgé l’expression trains anatomiques pour décrire ce phénomène.
Nous allons faire un bref examen de plusieurs groupes de muscles des membres supérieurs, en commençant par ceux qui assurent la flexion et l’extension du poignet et en finissant par les fléchisseurs et les extenseurs du coude. Il faut garder à l’esprit qu’une flexion, c’est le repliement d’une articulation qui rapproche les os, alors qu’une extension, c’est le redressement ou l’ouverture d’une articulation. Je vais tenter d’expliquer de façon simple un processus extraordinairement complexe. Dans le monde réel, tout muscle donné est capable d’effectuer plusieurs tâches, en tenant compte de ce que les muscles voisins sont en train de faire.
Les extenseurs du poignet
Quand nous allongeons les mains au cours du toryu en relevant les doigts, nous étirons le poignet et les doigts en faisant appel à un faisceau de muscles densément groupés. Rattachés en un même point au niveau de l’épicondyle latéral de l’humérus, ces muscles descendent ensemble le long du bas de l’avant-bras, traversent le poignet sous une bande fibreuse (le retinaculum) et vont s’ancrer à divers os dans la main. La partie bombée de ces muscles remplit une bonne partie du haut de l’avant-bras, qui s’effile à mesure qu’on descend parce que les muscles sont remplacés par des tendons.
Vous n’avez qu’à relever la main et les doigts pour activer cet ensemble complexe, qui fonctionne comme une unité.
Les fléchisseurs du poignet
Quand la main droite forme un bec à la fin du Simple fouet ou quand la main est en bas dans Mouvoir les mains comme des nuages, le poignet et les doigts sont fléchis. Ce résultat est obtenu encore une fois par le jeu d’un ensemble de muscles, à cette différence près qu’ils partent de l’apophyse interne de l’humérus, au niveau de l’épicondyle médial. Ces muscles, qui descendent sur la face antérieure jusqu’au poignet et à la main, remplissent la partie intérieure du haut de l’avant-bras.
Si l’on contracte les fléchisseurs du poignet et les tissus qui recouvrent le dos de la main, les muscles du poignet et de l’avant-bras sont allongés et tendus. En allongeant le poignet et les doigts, on établit une ligne de tension le long de la surface avant de la paume et de l’avant-bras. Les fléchisseurs et extenseurs du poignet, appelés muscles antagonistes à cause de leur action opposée, travaillent en fait côte à côte : alors qu’un groupe s’allonge, l’autre se contracte de manière à exercer une tension sur les liens continus qui relient les diverses parties du corps les unes aux autres. L’ensemble dynamique ainsi créé est une image des forces du yin et du yang.
Les fléchisseurs du coude
Quand on revient vers l’arrière dans le toryu ou quand on saisit le ballon à un point ou l’autre de l’enchaînement, les muscles qui fléchissent le coude et qui tirent la main vers l’épaule sont activés. Ce sont notamment le biceps, le brachial et le brachioradial.
Le biceps a une tête longue et une tête courte, dont les tendons sont attachés à différents points sur l’omoplate. Son extrémité inférieure s’ancre sur le radius et, au moyen d’un cordon fibreux, le lacertus fibrosis (ou l’aponévrose bicipitale), il s’attache également au cubitus. L’influence unificatrice du myofascia est illustrée par ce muscle simple qui se prolonge au-delà de deux articulations principales (l’épaule et le coude) par ses tendons pour s’attacher à trois os (l’omoplate, le radius et le cubitus).
Le brachial est situé sous le biceps. Le brachioradial va du bas de l’humérus jusqu’à l’extrémité inférieure du radius.
Il convient de mentionner que le biceps joue aussi un rôle important dans la supination de l’avant-bras – quand on tourne la paume vers le visage. Pendant le premier exercice de fondation, la rotation des avant-bras, notez l’action du biceps alors que la main tourne. Ce simple exercice nécessite beaucoup plus de travail du bras qu’on ne l’aurait cru.
Les extenseurs du coude
Il y a deux muscles qui redressent le coude : le triceps et l’anconé, plus petit. Comme son nom l’indique, le triceps est formé de trois muscles; sa tête longue va jusqu’à l’omoplate et ses têtes médiale et latérale s’attachent à l’humérus. Comme sa tête médiale est située en profondeur, on ne la voit pas sur l’image de gauche de la figure 4.
Quand on ouvre le coude dans Séparer la crinière du cheval sauvage, on crée une ligne de tension dans les tissus mous sur la partie avant du bras, du coude et de l’avant-bras. Quand on allonge la main en même temps, on ressent cette tension le long de la partie arrière du bras, qui se transmet sur les parois de la cage thoracique, puis jusqu’au sacrum et plus bas.
Quand on fléchit le coude, par exemple en saisissant le ballon ou revenant vers l’arrière dans le toryu, on ressent à nouveau une tension le long de la partie arrière du bras et sur les parois de la cage thoracique.
Ces mouvements du coude ont un effet important sur les éléments qui relient les membres supérieurs au torse, ce que nous allons voir plus en détail dans le prochain article.
En résumé, par la contraction de certains groupes de muscles et leurs tendons, on peut tirer sur d’autres groupes et les allonger. Grâce à ce mécanisme, nous pouvons renforcer notre structure et nous déplacer dans l’espace qui nous entoure. La Bouche du tigre, l’élévation des doigts, l’abaissement des coudes, la rotation des poignets et l’allongement des mains sont autant de mécanismes par lesquels les membres supérieurs contribuent au maintien de la structure et de la force du corps.
Deux types de forces se combinent : l’une est créée par l’activation des muscles et l’autre, par le relâchement, la relaxation, l’étirement ou l’allongement des tissus mous.
Ainsi, on comprend mieux comment des liens continus qui passent par tout le corps sont tendus ou relâchés à tout moment quand on bouge : c’est le flux constant du grand tendon. Parties du bout des doigts, les lignes de force vont jusqu’aux pieds en passant par le tronc et les jambes. Le corps agit comme un fouet dont les mains seraient la pointe, les bras, sa partie souple et les jambes et la colonne, sa poignée.
1. Kinesiology of the Musculoskeletal System, Foundations for Rehabilitation, deuxième édition, 2010, Donald A. Neumann, Mosby Elsevier, ISBN 978-0-323-03989-5
Bruce McFarlane MD
© Société de tai chi taoïste du Canada 2010